CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES

CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES
CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES

Si la céramique est à coup sûr l’une des premières formes d’expression de l’intelligence humaine, elle reste souvent mal connue dans son ensemble. L’origine de son nom prête à des indications erronées dans de nombreux ouvrages. «Céramique» dérive du grec 﨎福見猪礼﨟, né d’un vieux radical indo-européen 福見猪, signifiant brûler , qui a donné naissance au latin cremare . Le caractère fondamental de la phase cuisson dans le processus d’élaboration des céramiques est donc établi par leur seul nom.

Le domaine industriel de la céramique est en mutation permanente depuis le milieu du XXe siècle. La technologie de fabrication de ses produits traditionnels est toujours en pleine évolution. À une industrie utilisant une main-d’œuvre peu qualifiée comptant souvent de multiples petites unités de production se substitue une industrie hautement automatisée de grosses unités de production et en nombre réduit. Ce domaine s’est simultanément enrichi d’un secteur nouveau, celui des néo-céramiques, qui conditionne pour une bonne part l’évolution très rapide d’industries de pointe (électronique, nucléaire, aérospatiale). Le développement de ces céramiques nouvelles s’est appuyé d’abord sur la technologie classique, mais il a rapidement induit la mise au point de technologies nouvelles, fines et complexes, nécessitant des compétences scientifiques de haut niveau. Ces technologies et leurs produits ont suscité des bouleversements dans de multiples secteurs industriels.

Les céramiques industrielles constituent donc une famille de matériaux très divers dans leurs nature, objet, mode d’élaboration. Certaines sont plurimillénaires, d’autres encore au stade de la recherche. Leur présentation globale implique avant tout de les bien définir et classer.

1. Définitions

Jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle, la céramique était définie comme l’art de fabriquer des poteries en utilisant la propriété de l’argile de donner avec l’eau une pâte plastique devenant solide et inaltérable après cuisson. Parfaitement adaptée à la céramique traditionnelle, cette définition est obsolète. En effet, de nombreux procédés de façonnage n’utilisent en rien la plasticité et de nombreuses compositions céramiques sont intégralement exemptes d’argile.

La céramique peut maintenant être définie comme l’art de fabriquer des objets inorganiques non métalliques en mettant en œuvre dans leur processus d’élaboration un traitement thermique à haute température. Cette définition peut être controversée car elle englobe la verrerie dans le domaine céramique. En fait, ce rattachement n’est pas totalement injustifié puisqu’il y a continuité entre les produits des deux secteurs, d’une part avec les vitrocéramiques (produits obtenus par cristallisation contrôlée de certains verres spéciaux), d’autre part avec la porcelaine souvent très riche en phase vitreuse.

Aucun produit ne peut être qualifié de céramique si son élaboration ne comporte pas un traitement thermique à haute température.

Il faut noter qu’un produit non céramique peut être élaboré en faisant appel à des techniques céramiques: métaux émaillés, métaux frittés. Si les métaux traditionnels sont par définition extérieurs au domaine céramique, il y a pourtant une continuité entre les deux classes avec les cermets , produits obtenus par la technique céramique de frittage appliquée à un mélange de deux poudres, l’une métallique, l’autre céramique.

Enfin, les produits céramiques doivent être qualifiés d’industriels dès lors que leur fabrication peut être qualifiée de même, par opposition aux productions artistiques et artisanales: leur utilisation, industrielle ou non, n’est pas prise en compte dans cette désignation. La création artistique, le «design» ont d’ailleurs leur place dans certains domaines de la céramique industrielle.

2. Classifications

La plupart des produits céramiques traditionnels sont des silicates d’alumine plus ou moins complexes. Le tableau propose une classification synoptique essentiellement basée sur le critère de porosité. Il faut noter que dans la classe des réfractaires certains produits considérés comme traditionnels pourraient tout aussi bien être inclus dans une classification des néo-céramiques, et que les abrasifs (meules), dont certains sont élaborés comme des réfractaires, ne sont pas mentionnés.

Les néo-céramiques se prêtent mal à une classification aussi simple. Leur évolution continue et très rapide rendrait hasardeuse et vite périmée une nomenclature précise. Tout au plus peut-on avancer une liste non exhaustive des plus connues: les céramiques d’oxydes (monoxydes, ferrites, polyoxydes divers), les carbures, les borures, les nitrures, les fluorures, les siliciures, les titanates, les sulfures, les produits de carbone, les fibres céramiques, les composites fibreux, les composites divers. Il en naît presque sans cesse, certaines sont des combinaisons de néo-céramiques déjà classiques comme les «SiAlON» (oxynitrures de silicium et d’aluminium). Les chercheurs tentent systématiquement d’améliorer les performances par des essais d’additions diverses.

3. Caractéristiques fondamentales

Minéraux et élaborés avec un traitement thermique à haute température, les produits céramiques traditionnels et nouveaux présentent un ensemble des propriétés fondamentales: une excellente inertie chimique induisant résistance au feu, conservation des performances mécaniques dans un très large domaine de températures, résistance aux agents chimiques minéraux et organiques, une excellente résistance mécanique à la compression et une grande dureté pour des densités sensiblement inférieures à celles des métaux. Ils sont souvent isolants ou semi-conducteurs sur le plan électrique.

Actuellement, le seul frein à un formidable développement des néo-céramiques en mécanique et dans le domaine des moteurs, où ils sont substitués aux métaux dans de nombreuses applications, tient à une caractéristique physique: pour la plupart matériaux élastiques à rupture fragile, les céramiques présentent une résistance limitée à la traction et surtout une ductibilité réduite qui les rend sensibles à la propagation des fissures. Relativement fragiles aux chocs, elles ne présentent pas d’accommodation plastique, d’aptitude à la relaxation des contraintes. Leur rupture est physiquement difficile à prévoir et peut être initiée par des défauts extrêmement réduits (quelques dizaines de micromètres). Cet obstacle est en voie d’être contourné par des conceptions mécaniques nouvelles, voire surmonté par la mise au point de céramiques spéciales (apparition de produits de zircone Y-TZP superplastique au Japon).

4. Technologies de fabrication des céramiques traditionnelles

Matières premières

Les matières premières essentielles de la plupart des céramiques traditionnelles sont les argiles. De compositions très variables, elles proviennent de transformations des feldspaths et des micas des roches cristallines. Les céramistes utilisent plus particulièrement les argiles kaolinitiques, illitiques ou kaolino-illitiques. Très répandues et souvent proches des surfaces, leur extraction se prête à une mécanisation poussée.

Dans certains produits, le développement de phases vitreuses liantes lors de la cuisson est provoqué ou favorisé par addition de fondants , sous forme de roches feldspathiques ou calcaires broyées, ou de fondants spéciaux (verre broyé, dolomie, borates naturels).

Des dégraissants sont souvent ajoutés aux pâtes argileuses pour en modifier le comportement au façonnage, au séchage, à la cuisson, ou encore pour constituer un «squelette» inerte et rigide dans les produits. Ce sont essentiellement des éléments sableux (silice quartzeuse en particulier) ou des argiles préalablement stabilisées par la cuisson, puis broyées (chamotte). Ce sont aussi, parfois, des sous-produits industriels (laitier de hauts fourneaux) ou des matériaux combustibles (lorsqu’on veut obtenir une porosité importante ou apporter une partie des calories nécessaires à la cuisson).

Certains produits céramiques (réfractaires) nécessitent des composants spéciaux et peuvent même être dépourvus d’argile. Différents adjuvants interviennent, en outre, dans des proportions souvent minimes, soit pour faciliter le façonnage, soit pour modifier les caractéristiques de séchage, de cuisson ou de produits finis (coloration, caractéristiques fonctionnelles).

Pâtes

Trois types de pâtes sont utilisés pour les fabrications traditionnelles: la pâte plastique , plus ou moins molle, d’une consistance qui varie entre celle de la «pâte à modeler» et celle de la cire à cacheter ferme et dont la proportion d’argile est souvent élevée; la barbotine , suspension aqueuse de particules solides auxquelles un ajout d’électrolyte apporte des charges électriques répulsives pour éviter la sédimentation; elle est très voisine par son aspect et ses propriétés de la «boue de forage» des prospecteurs pétroliers; la poudre humectée , susceptible de s’agglomérer assez facilement sous l’effet d’une pression.

Les compositions et modes de préparation de ces pâtes varient avec les types de produits céramiques. Les argiles sont soit démottées et désagrégées puis humidifiées, soit dispersées dans l’eau; les dégraissants et fondants sont broyés à sec ou en présence d’eau.

Modes de façonnage

Le façonnage en pâte plastique , le premier développé, englobe de multiples méthodes de mise en forme:

Le modelage, procédé purement manuel, est utilisé dans le domaine artistique.

Le moulage consiste à estamper de la pâte plastique dans un moule de plâtre ou de bois; il connaît encore certaines utilisations artisanales, et même industrielles lorsque le peu d’importance d’une série ne permet pas d’amortir un outillage onéreux.

Le filage est l’extrusion, sous l’effet d’une pression importante, d’un profilé constant au travers d’un orifice de section donnée. Cette technique reste la plus courante dans la fabrication des produits de terre cuite et des tuyaux de grès; elle intervient dans certaines fabrications de produits réfractaires et sert à la préparation d’ébauches en faïencerie et porcelainerie.

Le tournage correspond à l’image classique du potier; il garde, dans le domaine artistique, un prestige justifié, mais n’est plus guère utilisé, dans le domaine industriel, qu’à la réalisation de certains accessoires de couvertures et de canalisations d’assainissement, parfois encore à la préparation d’ébauches en porcelaine technique.

Le calibrage, combinaison du moulage et du tournage, substitue aux mains du potier un moule de plâtre maintenant la pâte, tandis qu’un outil de profil déterminé, le calibre, la repousse contre le moule et en arrache l’excédent, sous l’effet de la rotation de la tête de tour. Le calibrage est très employé en faïencerie et porcelainerie. Il se prête à une mécanisation extrêmement poussée.

Le pressage, entre deux demi-moules de métal ou de plâtre, est utilisé en complément du filage, en fabrication de terre cuite surtout.

Le tournassage, enlèvement de matière à l’aide d’un outil de coupe sur des ébauches préalablement raffermies ou séchées (faïencerie, porcelainerie).

Le coulage utilise la succion d’un moule poreux pour obtenir un dépôt épousant la forme intérieure de ce moule à partir d’une barbotine, suspension fluide versée dans ledit moule. Le retrait du dépôt lors du séchage permet le démoulage des pièces. Cette technique est très utilisée en faïencerie et en porcelainerie, elle constitue le mode essentiel de fabrication des produits céramiques sanitaires en «chaînes» souvent mécanisées. L’accélération des dépôts par champs électriques est appliquée dans certains cas.

Le pressage en poudre , qui consiste à comprimer dans un moule une poudre de composition céramique, additionnée de liants en cru, de lubrifiants et souvent d’une faible proportion d’eau, constitue le principal mode d’obtention des carreaux de grès et de faïence, de nombreux produits réfractaires et de porcelaine technique. Il se prête à une mécanisation et à une automatisation poussées.

Séchage, cuisson, opérations annexes

L’eau, généralement indispensable au façonnage, doit être éliminée par le séchage, phase délicate pour les produits riches en argile (risques de fissures et de fentes) et dans la plupart des cas nécessaire avant la mise en cuisson qui provoque une élévation assez rapide de température.

Certains produits céramiques sont recouverts d’une pellicule vitreuse, destinée à modifier leur aspect et/ou à imperméabiliser un tesson sous-jacent poreux, l’émail (glaçure en faïencerie, couverte en porcelainerie), composition céramique développant un verre lors de la cuisson. Les émaux, transparents ou opaques, blancs ou colorés, sont appliqués sur les pièces sous forme de suspensions (barbotines), généralement par trempage, aspersion ou pulvérisation. L’émaillage peut être fait sur support sec, précuit (après cuisson dite de dégourdi ) ou totalement cuit (sur biscuit ). Dans les deux derniers cas, une seconde cuisson est nécessaire.

Certains produits céramiques reçoivent en plus un décor de couleurs vitrifiables, posées au pinceau, par impression, par décalcomanie ou par sérigraphie. Ces techniques de décoration intéressent plus particulièrement les porcelaines et faïences de table et d’ornementation, ou certains carrelages. Elles impliquent une cuisson complémentaire, un décor non recuit (peinture, par exemple) ne devant pas être considéré comme céramique.

La cuisson , phase fondamentale du processus céramique, provoque les transformations structurales qui conditionnent la cohésion et les propriétés mécaniques, physiques et chimiques des produits auxquels elle confère leur aspect et leur stabilité définitifs. Ses paramètres (durée du cycle échauffement-refroidissement, température maximale) doivent être adaptés aux mélanges traités.

Après cuisson, certains produits sont soumis à un usinage en cuit .

5. Principaux produits céramiques traditionnels

Produits de terre cuite

Initialement obtenus par mise en forme, séchage et cuisson d’argile communes dites «terres», les produits de terre cuite font désormais appel à des compositions mélant argiles et additifs (argiles correctrices, dégraissants, colorants spéciaux, agents d’amélioration de comportement en fabrication ou de caractéristiques des produits finis). Le façonnage est réalisé pour l’essentiel par extrusion en pâte plastique complétée ou non d’un pressage. Après un séchage réalisé en chambres ventilées ou dans un séchoir tunnel, la cuisson est effectuée la plupart du temps en fours tunnels à une température maximale variant de 900 0C à 1 100 0C.

Les produits de terre cuite sont par nature poreux, mécaniquement résistants, de coloration naturelle variant du blanc jaunâtre au brun (certains additifs permettent de modifier la teinte finale). Ils intéressent au premier chef le domaine du bâtiment qui exploite leurs principales qualités (esthétique, pérennité, confort hygrothermique et acoustique), et sont appréciés en poterie horticole.

Produits réfractaires

L’évolution des matériaux réfractaires a conditionné dans une large mesure celle de toutes les techniques impliquant la mise en œuvre de températures élevées: il est en effet plus difficile de confiner un fort dégagement de chaleur que de le provoquer. Un matériau peut être considéré comme réfractaire dans un domaine mais non dans un autre. C’est le cas de la plupart des métaux dits réfractaires qui ne le sont pas du point de vue céramique.

Les matériaux céramiques réfractaires les plus traditionnels sont constitués de cristaux d’espèces minérales définies, liés par une phase vitreuse plus ou moins complexe. L’élévation continue de la température d’un tel corps provoque, à un certain stade, le ramollissement progressif de sa phase vitreuse (fusion pâteuse), qui entraîne celui du produit entier. Lorsque la température atteint la valeur correspondant à la fusion franche des composants cristallins, elle provoque la liquéfaction totale et définitive de la masse. Mais le ramollissement, pour lent et progressif qu’il soit, altère le produit et modifie ses caractéristiques. Il faut donc fixer une limite de réfractarité avant le stade de fusion totale. Les céramistes ont imaginé à cette fin l’utilisation de pyroscopes dont les plus connus sont les montres fusibles. Réalisées à partir de compositions céramiques précises à comportement thermo-physique connu, ces montres forment une gamme de référence. La réfractarité d’un produit se mesure par la comparaison d’une montre taillée dans ce produit avec les montres étalon. Dans la pratique, tout produit fondant avec la montre 26 (1 580 0C) n’est pas, à proprement parler, réfractaire.

Les produits réfractaires les plus classiques, préparés à partir d’argiles elles-mêmes hautement réfractaires, sont généralement façonnés soit par pressage en pâte plastique, soit, plus souvent, par pressage en poudre humectée. La proportion de dégraissant (argile cuite broyée) à granulométrie précise est toujours importante et, parfois même, prépondérante dans les produits dits surcomprimés à haute teneur en chamotte. Dans ce dernier cas, l’argile n’intervient plus qu’en tant que liant des grains, auxquels elle est souvent ajoutée à l’état de barbotine. Les dosages doivent être effectués avec précision, le séchage et la cuisson sont souvent assez délicats à réaliser, surtout pour les pièces très volumineuses utilisées en sidérurgie.

Les réfractaires isolants classiques sont obtenus par création de porosité élevée dans des bases réfractaires normales par incorporation de combustible, de gaz ou de matériaux sublimables. Ils laissent une place de plus en plus importante aux matériaux fibreux inorganiques non métalliques dont certains sont d’ailleurs à juste titre classés comme produits réfractaires, tels les fibres de silice, d’alumine, de silico-alumineux (cf. néo-céramiques ).

Outre leur résistance aux très hautes températures, les produits réfractaires doivent présenter, en fonction de leurs utilisations, diverses propriétés: résistance mécanique (surtout à la compression et aux chocs) tant à froid qu’à chaud, pour les éléments structuraux (construction des fours, garnissage des poches de coulée en métallurgie); résistance à l’usure par abrasion (friction solide-solide, liquide-solide, ou même abrasion éolienne); résistance à la corrosion chimique et aux chocs thermiques.

Leur conductibilité thermique est variable: très basse pour les isolants, elle doit être élevée pour les matériels d’enfournement.

Les principales classes de produits réfractaires traditionnels denses sont les suivantes: produits silico-alumineux, produits de silice, d’alumine, de magnésie, de chrome-magnésie, produits dolomitiques, chromitiques, produits de carbone et graphite.

Faïences

Pierre Munier a défini les faïences comme «des produits céramiques dont la pâte poreuse, et par conséquent perméable, est recouverte d’une composition vitrifiable destinée à remédier à cette perméabilité».

Les pâtes des faïences modernes les plus courantes prennent en cuisant une teinte blanche, leur réfractarité est assez élevée (certaines faïences sont cuites à des températures supérieures à 1 200 0C) du fait de l’emploi de matières premières analogues à celles des porcelaines. En définitive, les produits de faïence se caractérisent par leur tesson opaque à cassure terreuse et mate, à réfractarité assez élevée (faible déformabilité à la cuisson), à forte perméabilité. Ils nécessitent une couche continue d’émail.

Trois techniques de façonnage sont utilisées dans les domaines industriels de la faïencerie: coulage en barbotine (faïencerie domestique et décorative); calibrage (faïencerie domestique surtout); pressage en poudre (carrelages de faïence). Les compositions sont généralement préparées par voie humide et les ébauches de calibrage sont réalisées par filage en pâte molle. Après le séchage, les produits de faïence subissent, le plus souvent en four tunnel, une cuisson dite de «biscuit», qui confère au tesson ses caractéristiques définitives. L’émaillage est ensuite réalisé sur le tesson cuit, et le produit revêtu subit une seconde cuisson, dite d’émail, à température moins élevée que la première. Certains produits émaillés et cuits reçoivent en outre, ultérieurement, un décor (peint, appliqué par sérigraphie ou par décalcomanie) et doivent subir une troisième cuisson, généralement à basse température.

Cependant, certaines poteries culinaires – céramiques de classes diverses, présentant une certaine tenue à la chaleur permettant de les porter au four domestique – peuvent être rattachées, comme poteries vernissées, aux faïences. Si l’on écarte les fabrications artistiques et artisanales, les faïences sont essentiellement utilisées par deux types de production: faïence domestique (vaissellerie et objets décoratifs, vases) et carrelages pour revêtement muraux.

La vaissellerie de faïence, très industrialisée, doit faire face à la concurrence très vive du verre, de la porcelaine et des matières plastiques. Elle peut s’adapter à l’évolution des modes (formes et décors modernes), mais garder la possibilité de production des vaisselles de tradition (décors par chromos sous glaçure). Les carrelages de faïence constituent une forme de revêtement mural très utilisée pour les cuisines et salle d’eau, en raison de leur facilité d’entretien et de leur durabilité. Ils se prêtent parfaitement aux réalisations décoratives, grâce à la diffusion de carreaux à reliefs et de carreaux colorés ou décorés.

Grès chamotté

La dénomination de grès chamotté prête à confusion: ce matériau n’est en rien un grès céramique; son tesson est poreux et d’une constitution rappelant celle du réfractaire silico-alumineux traditionnel.

Le grès chamotté est un produit céramique dont le tesson constitué d’argiles grésantes et d’une proportion élevée de chamotte (comme les produits réfractaires les plus courants) est revêtu en cru (après séchage) d’un engobe , puis d’un émail, avant d’être soumis à une cuisson unique.

L’engobe est un enduit superficiel de texture homogène, généralement constitué d’une ou plusieurs argiles, blanches après cuisson, et assez grésantes, éventuellement colorées par des ajouts d’oxydes. Cet engobe affine l’aspect de la surface, masque la coloration du tesson et constitue un support d’émaillage. Il doit présenter un retrait et un comportement dilatométrique identique à ceux du tesson.

Le façonnage du grès chamotté fait uniquement appel au procédé de coulage d’un mélange argileux. Les produits, souvent massifs, doivent être séchés avec précaution pour éviter les fentes et fissures; ils sont ensuite engobés, puis émaillés (engobe et émail sont posés successivement par trempage ou pulvérisation, en plusieurs couches pour éviter la détrempe du tesson et assurer les épaisseurs opportunes). Le séchage définitif et la cuisson sont généralement réalisés en séchoirs et fours tunnels.

Le grès chamotté est utilisé pour la fabrication de produits céramiques sanitaires volumineux (éviers, receveurs de douches et bacs). Il permet d’obtenir des produits très robustes et d’aspect agréable, mais de poids élevé.

Grès céramiques

La cuisson de toute composition argileuse peut provoquer, par formation d’eutectiques, le développement d’une phase vitreuse à viscosité variable. Cela entraîne une diminution progressive de la porosité des produits. Si la viscosité du «verre» céramique diminue rapidement, au-delà d’une certaine température, le ramollissement et la fusion affectent le produit. Si, au contraire, la viscosité du «verre» reste élevée, le traitement thermique sera poursuivi jusqu’à disparition de toute porosité. Le produit est alors dit «grésé». Pour éviter toute confusion avec le grès naturel, il est préférable de les appeler «grès céramiques».

Généralement constitués d’argiles plastiques avec adjonction de fondant et parfois de chamotte, les grès céramiques sont fabriqués soit par filage (tuyaux, dalles, briques), soit par pressage en poudre (carreaux de grès cérame, dalles anti-acides, briques). Un traitement thermique parfaitement adapté s’impose. Toute incuisson entraîne une persistance de porosité; toute surcuisson, des déformations importantes. Certains produits de grès sont émaillés en vue de modifier leur aspect (poterie, carrelage). Outre les techniques d’émaillage communes aux différents produits céramiques, le grès est susceptible de recevoir une glaçure par volatilisation de sel au cours de la cuisson.

L’inaltérabilité est le principal atout de ces produits.

Porcelaine

Le stade du grésage peut, pour certaines compositions céramiques, être dépassé: la phase vitreuse enrobant les grains solides attaque et dissout partiellement ces derniers. Dans le produit, dépourvu de porosité ouverte, se développe alors un alvéolage (porosité fermée). La proportion de phase vitreuse devient nettement plus importante que dans les grès, mais, grâce à la viscosité très élevée du verre, le ramollissement et les déformations conséquentes restent dans des limites acceptables. Tout produit de porcelaine traditionnelle présente cette particularité. En outre, ce type de tesson, généralement blanc grâce à la sélection de matières premières très pures, présente, contrairement aux faïences, une cassure brillante et d’aspect vitreux. Son coefficient d’absorption d’eau est inférieur à 0,5 p. 100 et il est translucide sous faible épaisseur. Ces critères, toujours valables pour la vaissellerie, sont désormais dépassés dans les domaines néo-céramiques: à titre d’exemple, certaines pièces électroniques minces de magnésie frittée présentent la translucidité et la cassure vitreuse des porcelaines classiques. Certaines porcelaines électrotechniques ne donnent pratiquement pas lieu au développement d’un alvéolage.

La porcelaine normale est réalisée à partir de kaolin, de silice quartzeuse et de feldspaths. Une telle composition est analogue à celle d’une faïence fine feldspathique, dont elle ne diffère que par l’emploi de kaolin comme argile et par les proportions des différents constituants. Dans les domaines de la porcelaine technique, les compositions utilisées tendent à être enrichies en alumine.

Le façonnage des produits de porcelaine fait appel aux techniques de filage, calibrage et coulage, certaines porcelaines électrotechniques étant en outre réalisées par pressage en poudre humectée (pièces de formes complexes). En vaissellerie, le façonnage est analogue à celui des produits de faïence. En porcelainerie technique, les pièces massives sont très souvent calibrées par éléments, collés ensuite à l’aide d’une barbotine de même composition, les pièces moyennes étant obtenues par tournassage d’ébauches préalablement extrudées. Le séchage doit être adapté aux types de pièces fabriquées.

La cuisson des porcelaines s’opère à des températures variant suivant les compositions (de 1 250 à 1 400-1 420 0C). La vaissellerie est généralement «dégourdie» à basse température (vers 980 0C), avant de recevoir sa «couverte» vitrifiable et d’être soumise au processus de cuisson. Les décors les plus fréquents, posés sur émail par décalcomanie ou peinture, sont ensuite cuits entre 800 et 900-950 0C. En porcelainerie technique, les pièces à émailler sont généralement revêtues en cru par trempage. La précision géométrique et dimensionnelle exigée des porcelaines techniques impose, dans certains cas, un usinage mécanique en cuit.

La vaissellerie de table et d’ornementation et l’isolation électrique constituent les deux principales applications de la porcelaine. L’augmentation continue des tensions utilisées pour le transport et la distribution de l’énergie électrique a eu pour conséquence un gigantisme étonnant des pièces isolantes. La recherche de niveaux d’isolement élevés, la nécessité d’association mécanique d’éléments monolithes imposent du même coup la réalisation de liaisons céramique-métal à performances très étudiées.

Produits de «vitreous»

Dans sa forme initiale, le vitreous correspondait à une faïence fine feldspathique, dans laquelle, la dose de fondant ayant été augmentée, la vitrification entraînait une constitution en cuit, intermédiaire entre celle des faïences et celle des grès. Ce produit a évolué peu à peu vers un état de vitrification très marqué et, à l’heure actuelle, il paraît logique de considérer le vitreous soit comme un terme ultime des grès à pâte blanche, soit comme une proto-porcelaine. Les produits de vitreous sont utilisés pour certaines vaisselles particulièrement robustes et pour certains produits sanitaires «fins» (cuvettes et lavabos). Ils sont réalisés soit par calibrage (vaissellerie), soit par coulage. Les pâtes, très comparables à celles des porcelaines, n’en diffèrent pratiquement que par la substitution d’argiles grésantes à une fraction du kaolin.

Les produits sanitaires, coulés en barbotine, sont émaillés en cru sec, puis cuits, à des températures voisines de celles des grès céramiques.

Le vitreous donne un tesson à cassure vitreuse de coloration blanche ou légèrement grisâtre. Sa résistance mécanique est élevée, sa porosité très réduite.

6. Technologies de fabrication des néo-céramiques

Matières premières

Contrairement aux céramiques traditionnelles, les néo-céramiques n’impliquent qu’une faible utilisation de susbtances minérales naturelles. Leur fabrication fait presque systématiquement appel à des matières premières élaborées par une chimie préparative souvent complexe. Les problèmes de maîtrise de la nature des impuretés et de leur taux ainsi que les exigences en matière de constance des caractéristiques sont fondamentaux. À titre d’exemple, certains producteurs de poudre d’alumine garantissent une pureté supérieure à 99,99 p. 100. Ces matières premières sont très nombreuses. Les oxydes métalliques prédominent, en particulier ceux de l’aluminium, du silicium, du baryum, du magnésium, du thorium, du béryllium, du titane, de l’uranium et du zirconium. Ils laissent cependant une place importante au carbone, au bore et à l’azote. Les oxydes de lanthanides interviennent assez souvent en additifs.

Façonnage, traitement thermique

Différentes néo-céramiques, même parmi les plus nobles (oxydes d’uranium, de plutonium), font appel, pour leur élaboration, à des techniques classiques de façonnage (pressage, coulage en barbotine, extrusion). Cependant, la plasticité fréquemment insuffisante et, plus encore, les impératifs de composition ultraprécise impliquent la nécessité d’adaptations particulières de ces modes de mise en forme. Dans certains cas, les principes mêmes de ces techniques sont inapplicables (impossibilité d’addition de liants et plastifiants temporaires, mise en œuvre de composants gazeux, etc.). En conséquence, des modes d’élaboration particuliers sont mis au point parallèlement aux recherches de nouveaux produits.

Le traitement thermique des néo-céramiques a également ses spécificités. Une phase séchage différenciée est inutile dans de nombreux cas. La cuisson n’a pas la même finalité qu’en céramique traditionnelle: la densification ne découle pas du développement sensible d’une phase vitreuse liante. Les compositions sont très souvent dépourvues d’impuretés susceptibles de fondre en eutectiques avant la fusion des composants fondamentaux. La densification résulte couramment d’un processus de diffusion aux joints de grains sous l’effet d’une élévation très contrôlée de température dans un conglomérat de particules mis en forme par compactage d’une poudre à grains calibrés très fins. Le compactage est destiné à provoquer un arrangement propre à conduire à une densification maximale. Ce traitement thermique constitue le frittage dont le nom est utilisé par certains auteurs pour désigner l’ensemble du processus formage-traitement thermique et parfois, mais à tort, la cuisson d’une céramique traditionnelle. Le frittage doit aboutir à l’obtention d’un produit de porosité nulle ou contrôlée à une très basse valeur précise.

Le mode de compactage le plus connu est celui d’un pressage classique en moules métalliques. Le pressage isostatique , qui permet d’obtenir des densifications dépassant 98 p. 100 de la densité théorique, est en train de se développer rapidement et des essais de pressage assisté par ultrasons sont en cours. Il existe par ailleurs de nombreux autres procédés de mise en forme qui sont en phase de recherche, de développement ou d’utilisation. L’injection thermo-plastique (avec addition de polymères éliminables soit par pyrolyse au cours du frittage, soit par exsudation à basse température) est une technique parfois combinée, pour l’obtention de pièces à géométrie complexe, à un soudage par vibrations (lesquelles ramollissent le liant par frottement) de deux demi-pièces frittées ensuite (utilisation à la réalisation de pièces pour moteurs d’automobiles, pipes d’échappement, chambres de précombustion). L’électroformage est une électrolyse d’une suspension aqueuse de matière céramique. Le compactage par explosion substitue au piston du pressage l’onde de choc due à l’allumage d’un explosif qui développe des pressions de l’ordre de 400 tonnes par centimètre carré. Cette technique intéressante pour la mise en forme de pièces complexes conduit à des céramiques très denses auxquelles une déformation des grains élémentaires confère des propriétés très particulières.

Si le frittage classique reste très employé, certaines productions recourent à des variantes. Le pressage à chaud (frittage sous charge ) en moules réfractaires combine mise en forme et traitement thermique. Des financements importants sont consacrés au pressage isostatique à chaud (en fabrication de produits d’alumine, de SiAlON, de composites alumine-fibres céramiques). Il faut également citer le frittage réaction , qui permet d’obtenir une densification poussée sans le fort retrait intervenant lors du frittage classique. Cette technique est utilisée par exemple à la fabrication de produits de carbure de silicium dense et de nitrure de bore. Elle consiste à provoquer pendant le frittage la formation d’un composé par réaction de la poudre de base avec une phase liquide ou vapeur (infiltration de silicium liquide dans une poudre de carbure de silicium mêlé de carbone pour obtenir le carbure dense; réaction d’une atmosphère d’azote sur une poudre de silicium pour obtenir le nitrure de silicium).

Il existe d’autres procédés n’impliquant pas les phases classiques de compactage et de frittage. Certains relèvent d’une fusion complétée soit d’un coulage en moule réfractaire suivant la méthode classique en fonderie (utilisation à la réalisation de réfractaires spéciaux électrofondus d’alumine ou d’alumine et zircone), soit d’une projection à l’état fondu sur un support provisoire ou sur une partie intégrante de la pièce finale (grâce au chalumeau oxyacétylénique ou, pour les oxydes les plus réfractaires, au chalumeau à plasma), soit encore d’une fibrillation ou fibrage par entraînement du flux fondu par jet violent d’air ou de vapeur (mode d’obtention des fibres réfractaires courantes). Certains autres impliquent un dépôt en phase vapeur (fabrication des whiskers – fibres monocristallines), en particulier du graphite pyrolytique par cracking du méthane et dépôt du carbone libéré sur un support maintenu à une température précise.

Comme en céramique traditionnelle, certaines pièces nécessitent un usinage en cuit et, en cas d’association à des pièces métalliques, une métallisation susceptible de permettre la soudure céramique-métal.

7. Principales néo-céramiques actuelles

Céramiques monoxydes

Les oxydes métalliques sont non seulement les principales matières premières des néo-céramiques, mais les composants essentiels de nombreux produits finis. Souvent considérée comme matériau roi des années soixante, l’alumine, hautement réfractaire (fusion à plus de 2 000 0C), très dure (9 dans l’échelle de Mohs), peu déformable à haute température, bon isolant électrique, insensible aux atmosphères oxydante et réductrice, conserve un grand intérêt, spécialement dans les domaines des réfractaires et des céramiques composites. Sa principale concurrente est probablement la zircone (stabilisée par de faibles additions de chaux, de magnésie ou d’oxyde d’yttrium pour compenser une anomalie dilatométrique gênante). Hautement réfractaire (fusion vers 2 550 0C), de bonne résistance mécanique, elle est chimiquement inerte vis-à-vis de certains métaux fondus très agressifs. Les oxydes d’uranium et de plutonium enrichis en isotopes radioactifs constituent les «combustibles» nucléaires. L’oxyde de béryllium, de très faible conductibilité électrique mais de conductibilité thermique analogue à celle des métaux, est hautement réfractaire (fusion vers 2 530 0C), de très bonne inertie chimique à haute température. Il présente une faible section de capture neutronique. L’oxyde de magnésium, hautement réfractaire (fusion à 2 800 0C), très bon isolant électrique à haute température et d’excellente conductibilité thermique, est également très intéressant par son inertie chimique aux substances très basiques. L’oxyde de titane, de très forte constante diélectrique, présente un indice de réfraction supérieur à celui du diamant. L’oxyde de thorium, ultraréfractaire (fusion vers 3 300 0C) est également très stable à haute température. Les oxydes de terres rares interviennent en éléments additionnels. À la frontière céramique-verrerie, il s’impose encore d’évoquer la silice, matériau réfractaire traditionnel sous ses formes cristallines, mais céramique spéciale sous sa forme vitreuse particulièrement appréciée pour son très faible coefficient de dilatation thermique induisant une résistance exceptionnelle aux chocs thermiques (qui lui a valu d’être choisie pour la protection de certaines parties de la première navette spatiale).

Céramiques polyoxydes, ferrites

De nombreuses néo-céramiques sont obtenues par combinaison d’oxydes divers, comme les PZT (oxydes de plomb, de zirconium et de titane), les oxydes mixtes cadmium-tantale, cadmium-tungstène, thorium-chaux. Certaines sont radio-absorbantes. Il faut accorder une mention particulière aux ferrites (ou aimants non métalliques) combinant de l’oxyde de fer à un ou plusieurs autres oxydes (plomb-baryum-strontium, baryum-zinc, baryum-cobalt, etc.). Ils sont réalisés suivant des processus chimico-céramiques divers combinant souvent des techniques des céramiques traditionnelles et néo-céramiques. Ces matériaux présentent en particulier l’avantage d’une résistivité électrique mille fois plus forte que celle des substances métalliques utilisables pour leurs propriétés magnétiques, tout en étant souvent moins coûteuses. On distingue usuellement les céramiques magnétiques douces et les céramiques magnétiques permanentes à champ coercitif élevé (moindre sensibilité à la démagnétisation).

Produits de carbone

Pour partie céramiques réfractaires traditionnelles, pour partie néo-céramiques, ces produits sont souvent considérés en deux classes: produits de carbone et produits de graphite. Tous présentent néanmoins des propriétés inhérentes à la nature de leur élément constitutif principal, le carbone dont les caractéristiques physico-chimiques sont remarquables. Il se volatilise sans fondre vers 3 500 0C, ne «mouille» pas la plupart des métaux fondus, présente un faible coefficient thermo-dilatométrique, une bonne résistance aux chocs thermiques et une bonne inertie chimique sauf vis-à-vis de l’oxygène. De fabrication relativement aisée, même en pièces massives, le carbone suivant ses formes et sa température de travail offre une vaste gamme de conductibilités thermiques et électriques. Les produits de graphite voient leurs performances mécaniques croître avec la température. Les produits de carbone prennent de plus en plus d’importance sous formes de fibres et de composites fibreux à hautes performances.

Carbures

Hautement réfractaires, chimiquement stables en atmosphère réductrice, de très haute dureté, les carbures constituent une classe importante de néo-céramiques. Fréquemment semi-conducteurs électriques à haute température, très bons thermo-conducteurs, ils ont souvent des propriétés voisines de celles des métaux. Beaucoup interviennent dans les céramiques composites. Parmi les plus classiques, il faut citer le carbure de silicium de dureté Mohs supérieure à 9, très dense fondant à plus de 2 300 0C. Le carbure de bore, encore plus dur, fond au-dessus de 2 400 0C. Les carbures de hafnium, de tantale, les carbures mixtes de titane et zirconium atteignent de très hautes réfractarités (fusion à température voisine de 4 000 0C). Les carbures de tungstène et de titane sont constituants de cermets. D’une manière générale, les carbures sont très sensibles à l’oxydation et sensibles aux chocs mécaniques.

Nitrures

De résistivité électrique allant de celles des métaux (nitrure de titane) à celle des meilleurs électro-isolants (nitrure de bore), les nitrures sont hautement réfractaires (de 1 900 0C à 3 000 0C), très durs et d’excellente résistance à l’abrasion. Le nitrure de silicium combine les avantages d’une faible masse spécifique, d’une bonne résistance mécanique, d’une excellente résistance aux chocs thermiques et d’une bonne résistance à l’oxydation à haute température. Il est remarquablement inerte à l’aluminium fondu. Le nitrure de bore, facile à usiner et hautement réfractaire (3 000 0C), présente une très forte résistance électrique à haute température. Il est assez léger et peut sous sa forme cristalline cubique atteindre une dureté supérieure à celle du diamant. Le nitrure d’aluminium (fusion vers 2 200 0C) présente une bonne résistance à l’aluminium fondu. Hautement thermo-conducteur et de faible thermo-dilatation, il résiste très bien aux chocs thermiques. Beaucoup d’autres nitrures font l’objet de recherches.

Borures

Les borures présentent un aspect et des propriétés métalliques, notamment une haute électroconductivité. Hautement réfractaires (de 1 900 0C à 3 000 0C), durs, stables en atmosphères neutre ou réductrice, ils résistent mal à l’oxydation; mais, peu volatils, ils peuvent par contre être employés sous vide à haute température. Le borure de titane résiste à l’alumine et à la cryolithe fondues jusqu’à plus de 900 0C. Les borures de hafnium, de zirconium, de tungstène sont prometteurs.

Siliciures

De brillance et de conductivités thermique et électrique rappelant celles des métaux, les siliciures sont réfractaires (de 1 650 0C à 2 030 0C), durs, de bonne résistance à la compression à haute température et surtout d’excellente résistance à l’oxydation; mais ils sont «fragiles» au sens mécanique du terme. Le bisiliciure de molybdène qui est le plus développé doit son excellente inertie chimique à haute température à la formation d’une couche vitreuse superficielle protectrice.

Sulfures, fluorures, phosphates

Très oxydables et hydrolysables, les sulfures ne peuvent être utilisés qu’en atmosphère neutre ou sous vide. Certains sont électroconducteurs, d’autres isolants. Les sulfures de baryum, de cérium et de thorium résistent remarquablement aux métaux fondus jusqu’à 1 800 0C; ils fondent entre 1 850 0C et 2 450 0C. Certains supportent parfaitement une atmosphère d’halogènes. Le sulfure de cérium, d’excellente résistance au choc thermique, supporte un échauffement à 1 200 0C en une minute!

Les fluorures alcalino-terreux et spécialement le fluorure de calcium (fluorine) sont également intéressants par leur inertie à certains métaux fondus. Le fluorure de magnésium a des propriétés optiques spéciales (transmission dans l’infrarouge).

Les phosphates de calcium, relativement réfractaires (fusion au-dessus de 1 700 0C), se développent dans le domaine des bio-matériaux.

Fibres céramiques

Parmi les fibres inorganiques non métalliques artificielles, on qualifie de céramiques des fibres obtenues à partir de matières réfractaires. Certaines sont amorphes, d’autres microcristallines courtes. Il faut leur rattacher les whiskers , fibres monocristallines courtes, encore très coûteuses mais intéressant vivement les chercheurs.

L’intérêt des fibres découle pour une bonne part de leur rapport résistance mécanique/poids, de leur capacité à améliorer fortement la ténacité de composites céramiques, métalliques ou organiques tout en étant réfractaires. Les feutres de fibres céramiques présentent des performances étonnantes d’isolation thermique. Certaines fibres résistent à 3 000 0C. Les plus connues sont les fibres de silico-aluminate (kaolin), d’alumine, de zircone, de carbone, de carbure de silicium (certaines de ces dernières obtenues à partir de fibres de polycarbosilane atteignent des modules de rupture de 2 500 MPa).

Composites fibreux

La technique du renforcement des matériaux durs mais mécaniquement fragiles par des fibres et la technique de la protection thermique par effet d’ablation ont débouché sur la mise au point de nombreux composites fibreux parmi lesquels les matrices et les fibres céramiques tiennent une bonne place, spécialement en aéronautique et en aérospatiale. Les composites fibreux peuvent résister à des énergies de rupture de cent à deux cents fois supérieures à celles des céramiques monolithiques. Les associations carbure de silicium-fibres de carbone, carbure de silicium-fibres de carbure de silicium et plus spécialement carbone-fibres de carbone connaissent un juste développement. Il faut leur associer les composites fibres céramiques-vitrocéramiques (comme le LAS, ou lithium-aluminium-silicate renforcé de fibres de carbure de silicium).

Dans certains cas, les fibres sont dispersées mais des composites à fibres tissées dans deux ou trois directions sont en plein développement. Travaillant à la fois en puits de chaleur et en matériaux d’ablation, certains composites carbone-carbone peuvent supporter pendant des temps non négligeables une température atteignant 4 000 0C.

Autres composites céramiques

La recherche de composites céramiques très variés est intense et continue. Certains connaissent déjà des développements intéressants, comme les SiAlON, oxynitrures de silicium-aluminium. Ces matériaux présentent de bons compromis de propriétés (réfractarité, inertie chimique, résistance aux chocs thermiques) combinant celles de l’alumine à celles du nitrure de silicium, sans avoir comme de nombreuses néo-céramiques des «points faibles» difficiles à neutraliser.

À la frontière des céramiques

Il n’est pas possible de brosser un panorama aussi sommaire soit-il des néo-céramiques sans évoquer les vitro-céramiques , obtenues par dévitrification contrôlée de compositions vitreuses (comme le LAS ci-avant mentionné) et les cermets , combinaisons céramique-métal associant la ductibilité et la résistance aux chocs thermiques des métaux à la résistance au fluage à chaud et à l’oxydation des céramiques. Ces matériaux sont en pleine expansion.

8. Principaux domaines d’utilisation des néo-céramiques

Les néo-céramiques sont naturellemnent très développées et pratiquement indispensables dans les différents domaines qui sont souvent à l’origine de leur mise au point et dont elles conditionnent étroitement les progrès:

– les industries nucléaires , dont elles constituent les «combustibles» (oxydes d’uranium, de plutonium) et pour une bonne part les modérateurs (graphite, oxyde de béryllium) et les barres de contrôle (carbure de bore, oxyde d’hafnium), auxquels il faut encore adjoindre les barrières de séparation isotopique (alumine);

– les industries électriques et électroniques , qu’elles fournissent en diélectriques (titanates de baryum, de strontium; stannates, vitro-céramiques, composites titanates-zirconates) en composants magnétiques (ferrites), en semi-conducteurs (oxydes de baryum et strontium, zircone, séléniures, tellures), en isolants électriques à températures diverses (alumine, magnésie) et à l’opposé en conducteurs électriques haute température (graphite, carbures, bisiliciure de molybdène);

– les industries aéronautiques et spatiales , avec en particulier les boucliers thermiques (silice, composites carbone-carbone, composites d’ablation à fibres céramiques), même pour les projets de haute technologie (protection de la navette européenne Hermès par composites fibres de carbone-matrice de carbonitrure de silicium); des néo-céramiques interviennent aussi dans les freins d’avion (composites carbone-carbone), les tuyères de réacteurs (carbure de silicium, zircone, composite carbone-carbone), les radomes (alumine, composites divers);

– la métallurgie spéciale , intimement liée aux domaines précités: les impératifs de haute pureté impliquent l’utilisation de réfractaires à grande inertie chimique pour l’élaboration de nombreux métaux et céramiques (utilisation de zircone, d’oxyde de béryllium, thorine, carbone, fluorine, carbure de bore).

Outre ces domaines de quasi-exclusivité, les néo-céramiques intéressent spécialement tout ce qui concerne les conversions énergétiques: elles interviennent dans les échangeurs de chaleur à haute température (carbure de silicium); les moteurs (le Japon a annoncé la sortie d’un moteur Diesel où les céramiques représentent 40 p. 100 de l’ensemble cylindres - pistons - chambres de combustion). Des rotors et stators de turbines céramiques ont été réalisés. Dans ces domaines, la zircone stabilisée, les composites à fibres (surtout à base de carbure et nitrure de silicium), les SiAlON, certains cermets sont très prometteurs. L’automobile, hors sa motorisation, utilise encore des céramiques pour différents composants et ensembles (composites fibreux pour collecteurs d’échappement, pots catalytiques, disques de freins).

Les néo-céramiques s’implantent dans d’autres domaines mécaniques tels ceux des abrasifs (alumine, carbure et nitrure de bore), des pièces d’usures (filières, guide-fils, buses de pulvérisation en alumine; SiAlON, carbure de silicium) et surtout des outils de coupe très performants (composites aluminium-zircone, alumine-whiskers de carbure ou nitrure de silicium, alumine-carbure de titane, SiAlON, carbures, nitrures).

Dans le domaine des biomatériaux, leur bonne compatibilité avec les tissus vivants, leur aptitude à la «colonisation» par les tissus néo-formés, voire dans certains cas leur aptitude à une substitution progressive par phagocytose, conduisent à des réussites spectaculaires, spécialement en chirurgie osseuse (alumine, carbone, composites carbone-carbone), implants dentaires, valvules cardiaques, ligaments et tendons (carbone, composites carbone-carbone).

Les néo-céramiques sont présentes dans d’autres industries telles celles du génie chimique (supports de catalyseurs en alumine, en carbure de silicium, membranes pour électro-filtration), de l’armement (blindages à base de carbure de bore, d’alumine, de borure de béryllium, de carbure de silicium, de composites). Elles pénètrent dans la vie de tous les jours avec la bijouterie (pierres «précieuses» synthétiques d’alumine, de zircone, de carbure de silicium), les équipements de la maison (fermetures magnétiques en ferrites, pièces de robinetterie et, par le biais de l’électronique, tous les matériels électroménagers et audiovisuels).

9. Avenir de la céramique

La production industrielle de céramique traditionnelle est encore en pleine phase d’implantation ou de croissance dans de nombreux pays. Les matières premières étant largement disponibles et généralement de faible valeur, leur extraction facile, la technologie étant en progrès continu surtout dans le domaine énergétique, cette production doit s’amplifier dans les décennies à venir.

En Europe occidentale, les industries céramiques sont confrontées depuis 1974 à de multiples difficultés liées au renchérissement de l’énergie, au développement de matériaux concurrents relativement «jeunes», à la dépression de certains secteurs – clients comme la sidérurgie, la verrerie, le bâtiment, au coût relativement lourd des investissements productifs modernes. Si certaines d’entre elles ont incontestablement régressé, d’autres se sont maintenues, voire développées grâce à une restructuration importante. De petites unités de productions nombreuses mais anciennes, trop coûteuses en main-d’œuvre ont été remplacées par des unités de fortes puissances automatisées à l’extrême. Les progrès technologiques ont été pour une bonne part induits par les problèmes économiques. Ainsi, dans l’industrie française de terre cuite de bâtiment, la consommation spécifique d’énergie (nombre de thermies nécessaires pour une tonne de production) a pu être considérablement réduite grâce aux recherches conduites par les fabricants et par les concepteurs de matériel pour discerner les techniques susceptibles d’améliorer le bilan énergétique.

Les possibilités d’évolution de la céramique traditionnelle sont parfois considérées comme limitées aux seuls progrès de la technologie. Cette prévision est pessimiste; les industriels innovent au niveau des formes, des coloris, des performances de leurs produits classiques; ils créent des produits nouveaux, et si certains sont éphémères, d’autres se développent avec brio.

Certains produits de la céramique traditionnelle sont condamnés à une disparition progressive. Par exemple, les métaux inoxydables et les matières plastiques ont pratiquement remplacé les grès de chimie dans leurs formes les plus sophistiquées en quelques dizaines d’années. Les qualités spécifiques de beaucoup d’autres produits sont pourtant telles qu’ils seront à coup sûr présents dans un futur lointain.

Quant aux néo-céramiques, elles connaissent une phase d’évolution extraordinaire au niveau de la recherche, de la mise au point et du développement. Souvent qualifiés de matériaux de l’an 2000, elles sont entraînées dans l’évolution vertigineuse des techniques de pointe dont elles conditionnent bien souvent les progrès: électronique, informatique, nucléaire, industries aéronautiques et aérospatiales. Des industries plus classiques comptent maintenant beaucoup sur les néo-céramiques dans leurs efforts pour résoudre des problèmes tels que la raréfaction de l’énergie ou des ressources minérales très nobles, la nécessaire lutte contre les pollutions de tous ordres. L’industrie automobile, la mécanique fine sont susceptibles de véritables bouleversements pour la fin de siècle si certaines néo-céramiques tiennent leurs promesses. Quant aux chirurgies osseuses, dentaires, cardio-vasculaires, elles attendent des bio-céramiques de grandes possibilités de progrès.

L’intérêt mondial accordé aux néo-céramiques se manifeste par la mise en place de programmes de recherches à financements communautaires qui leur font une large place (programmes Euram, Brite), par la course effrenée aux prises de brevets mondiaux, spécialement au Japon et aux États-Unis, par la création de secteurs céramiques au sein des plus grands groupes industriels multinationaux (Alcoa, Rhône-Poulenc) et par la création de filiales communes spécialisées de certains de ces groupes. Selon des estimations américano-japonaises, le marché des néo-céramiques pourrait représenter environ 20 milliards de dollars à la fin du XXe siècle.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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